20/10/14 : Deux livres, sur le thème d’ici et d’ailleurs
Couleur livres se veut un éditeur belge engagé – comme on disait dans l’après Mai 68 –, axé des préoccupations de notre temps. Il publie notamment des essais sur des grandes questions de société et des ouvrages de vulgarisation. La collection Je, qu’abrite cette maison d’édition, a été créée par l’écrivain et dramaturge belge Daniel Simon en janvier 2006. On y lit des récits de vie de personnes connues et moins connues, qui chacune nous apporte une vision axée sur leur expérience singulière. C’est le cas de Kenan Görgün lorsqu’il aborde le thème de l’immigration.
Kenan Görgün, J’habite un pays fantôme, Couleur livres (Collection Je). Récit
Kenan Görgün est un écrivain et scénariste belge d’origine turque. Il a publié une dizaine de livres dont Fosse commune, un roman profond et perturbant, aux éditions Fayard en 2007. Dans J’habite un pays fantôme, il explore le sentiment d’étrangeté qui anime et déprime, stimule et paralyse tous ceux qui sont venus d’un ailleurs qui ne les a pas vus naître. On les appelle communément les immigrés de la seconde génération. Si les parents de Görgün sont stambouliotes, ils lui ont donné le jour à Gand et il poursuivi ses études dans une école francophone de Bruxelles. Il vit actuellement entre les deux pays. Ce mélange des origines lui a permis de planter ses racines dans « une contrée imaginaire née de la dépossession ». Dans un texte dense et bref soutenu par une écriture poétique, il nous livre une réflexion intime, quasi métaphysique, sur l’exil et, au-delà, notre place dans le monde. L’errance sans fin de celui qui est étranger à lui-même résonne, comme en écho, aux soubresauts de peuples de plus en plus étrangers à leurs racines, vivant sous le sceau de la mondialisation.
Christine Van Acker, Ici, Le Dilettante. Récit
Christine Van Acker aborde le thème de l’ici et de l’ailleurs sous un mode anecdotique, nous offrant quelques perles ironiques du quotidien. Auteur de documentaires et fictions radiophoniques, cette fille de bateliers accoste d’abord dans la capitale, puis s’installe dans un lieu qu’elle appellera Ici, titre qu’elle donne à son livre. Ici est situé en Gaume, c’est tout ce que nous en savons. Et l’ennui inhérent aux plaisirs campagnards y est tel qu’elle se met à écrire. On découvre alors que le sentiment du temps sans fin ne se révèle pas nécessairement néfaste. Il permet de sonder chaque affect, chaque geste du quotidien et de décoder les rites sociaux qui imprègnent ce bout du monde à 200 kilomètres de la capitale.
Dans un style délicat et plein d’humour, une écriture subtile et incisive, Christine Van Acker déploie en touches impressionnistes ses réflexions et anecdotes. On la voit commander en ligne des vêtements qu’elle ne mettra jamais ou répondre patiemment aux questions de ses amis citadins qui s’étonnent de la possibilité d’un « quotidien bouseux ». La campagne, lieu de l’attente et de l’observation, du retrait de soi et de la méditation serait-elle un endroit privilégié pour percevoir l’univers, les autres et soi-même de l’intérieur ?
La semaine prochaine, c’est Marc Hermant qui tiendra la chronique littéraire. Je lui ai confié quatre livres publiés par Onlit, cet éditeur belge spécialisé dans le numérique qui ne néglige pas le papier. Il a choisi celui de Véronique Deprêtre , Dérapages. Plus que sept fois dormir…
Ecouter la chronique : Melting Pot 201014
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