Philippe Smolarski, Feivel le Chinois & Georges Lebouc, Bruxelles occupée

3/11/14 : Philippe Smolarski, Feivel le Chinois (Carnets du ghetto), Le Castor astral (coll. Escales des lettres). Roman

Feivel le Chinois revient sur un épisode marquant de la Seconde Guerre mondiale : le regroupement des Juifs de Varsovie dans un ghetto, en 1940. A l’époque, les Juifs représentent 40 % de la population et le secteur qui leur est imposé couvre 8 % de la superficie de la ville. Ils y vivront dans des conditions effroyables, avant de se révolter, en 1943. Cet acte de courage se soldera par une destruction sanglante. Dans la mémoire cependant, le ghetto de Varsovie constitue le symbole de la résistance juive à la barbarie nazie. Le roman de Smolarski nous transporte au début de la création du ghetto, et dans un milieu dont on parle peu : celui des trafiquants et gangsters.

Car Feivel, le héros de ce livre, est loin d’être un ange de cœur. Il peut se vanter, bien sûr, d’un passé militaire glorieux, durant la Première guerre mondiale, en France. Mais ensuite les détours de la vie l’ont mené à devenir l’un des grands patrons du crime, en Chine. Sa spécialité, le trafic international de drogue, lui a permis de développer des contacts dans le monde entier. Et il compte bien en tirer profit pour sauver sa famille, prise dans le guêpier du ghetto. Il débarque donc sur les lieux, accompagné de ses deux plus fidèles lieutenants, un ancien boxeur juif allemand et une ex-prostituée chinoise…

Même s’il prend la forme d’un journal, Feivel le Chinois se lit plutôt comme un livre d’aventure. Plus proche du roman de genre que de la fresque historique, l’écriture est nerveuse et les personnages typés, tels le malfrat et la putain. S’il ne se présente pas sous les traits de l’homme parfait Feivel, notre héros, se révèle pourtant sympathique. Sa lucidité teintée d’ironie, l’autodérision dont il use à foison, nous permettent de savourer l’humour juif qu’il manie à la perfection.

Feivel le Chinois est un bon livre d’action qui repose sur un travail de recherche sérieux. Philippe Smolarski, l’auteur, est d’ailleurs historien ; il séjourne à Bruxelles. Ce premier livre semble avoir un bel avenir, puisqu’il a été traduit en anglais, polonais, allemand et russe et qu’un producteur de cinéma s’y intéresserait. Il est paru dans une maison d’édition française, Le Castor astral, sous la direction d’un éditeur belge, Francis Dannemark, dans la collection Escales des lettres. On y lit des écrivains de langue française en général, dont plusieurs Belges (y compris néerlandophones) – tels Philippe Blasband, Xavier Deutsch, Thomas Gunzig, Xavier Hanotte ou, de l’autre côté de la frontière linguistique, Hugo Claus, Willem Elsschot et Jef Geeraerts.

Georges Lebouc, Bruxelles occupée, 180° éditions. Histoire

Le livre de Smolarski vous donnera peut-être l’envie d’en savoir plus sur Bruxelles durant la guerre. Un excellent ouvrage vient de paraître chez 180° éditions. Bruxelles occupée relate la vie quotidienne sous l’occupation allemande, il y a 70 ans de cela. L’auteur, Georges Lebouc est un spécialiste de Bruxelles. Il porte une attention particulière à l’histoire anecdotique qui, selon moi, est fondamentale pour la mémoire. Son livre recueille des témoignages de personnes qui ont vécu la guerre, regroupés par thèmes. Grâce à lui, on peut véritablement s’imaginer ce qu’a été l’exode ou le rationnement, comment se débrouillaient les gens pour manger ou se chauffer. Ce recueil établit une véritable mémoire pratique et sensorielle. Vous y apprendrez, par exemple, pourquoi ceux qui ont vécu la guerre détestent ou adorent le hareng…

Ecouter la chronique : Melting Pot 031114

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