Hommage à Albert Camus. Créer c’est vivre deux fois

Editons Rencontre des auteurs francophones, 2023

Extrait

Et mes morts verront le jour… Profession de foi camusienne

Ils sont tous là. 

Frank, Catherine, Albert, Cécile, et tous les autres. 

Abdel, Sylviane, Corine, Raphaël, et tous les autres.

Les présents, les passés et ceux à venir.

En moi.

Certains sont sortis tout en y restant, d’autres m’habitent encore, je couve ceux qui sont en gestation.

Mes personnages, mais à quoi bon ?

A quoi bon (re)créer des vies, toutes ces vies sans existence. A quoi bon écrire, sinon à quoi bon vivre ? « Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux : c’est le suicide », disait Camus. Se départir de l’absurdité de nos présences pour se perdre à jamais dans le néant ? Ou plonger ma plume dans le sang des absents ou des inexistants pour leur (re)donner un souffle ? Exprimer une douce révolte en racontant l’histoire de ceux qui, jamais, n’auraient dû disparaître ou d’autres, qui n’ont pas eu la chance de voir le jour. 

Mais à la fin, nous partageons tous le même inéluctable destin. La mort nous réunit. Dès lors, quel sens donner à mon entreprise ? Aucun, et c’est bien ainsi.

Le commentaire de Sam Touzani

Ton texte m’a profondément touché et m’a immédiatement rappelé cette réflexion de Camus sur le suicide, qui, dans son absurdité, interroge le sens de la vie. En te lisant, je ne peux m’empêcher de penser que peut-être écrire un livre, c’est d’une certaine manière postposer son propre suicide. C’est comme si, par l’écriture, on prenait la mort par le cou pour la regarder en face, non pas avec désespoir, mais avec une curiosité philosophique, une acceptation de notre finitude.

Ecrire c’est donner un souffle, une existence, si éphémère soit-elle, dans le grand récit de l’humanité. Un acte de résistance contre l’inexorable mort, un refus de se laisser engloutir par le néant. C’est ouvrir des fenêtres dans des murs qui semblaient infranchissables.