« Je ne suis pas le Petit Prince », éditions Les Oiseaux de nuit, Théâtre, 2022
Recueil – Festival (Volume 4) , avec les contributions de Anne Sylvain, Evelyne Guzy, David Dumont, Marina Yerlès et Déborah Danblon.
Le début de « Je ne suis pas le Petit Prince »
La salle de classe est propre et bien rangée, ici.
Chez moi, nous allions à l’école dans un container aménagé, tous les âges mélangés. La maîtresse portait un boubou couleur soleil et ses cheveux aux mille tresses illuminaient la leçon de calcul mental.
Parfois, je rêvais dans mon coin, en paix, si loin du quotidien, j’oubliais la faim. Mais, le plus souvent, la soif de savoir me tirait de ma torpeur, surtout lors du cours de géographie. Sur la grande carte affichée tant bien que mal aux parois de métal, je m’imaginais, tout petit, et ce vaste monde autour de moi, quelles promesses m’offrait-il ?
Je ne suis pas le Petit Prince, mais, comme lui, je viens d’Ailleurs.
« De quelle planète es-tu, m’aurait-il demandé ?
– Je viens de la planète Lumière. Là où le soleil me caresse toute la journée. Là où la terre, sèche et craquelée, me refuse ses fruits. Là où la guerre échauffe les esprits et tue les corps. Je viens de cette planète chérie, mais j’ai dû la quitter. Et maintenant je suis ici. »
Ici, en classe, avec toi, Maîtresse, qui raconte l’histoire de ce petit blanc bouclé. Il ne me ressemble pas, c’est sûr. Sauf qu’il aime le désert d’Afrique, comme moi. Sauf que, comme moi, il fréquente les serpents et cherche la vérité dans les étoiles. Le Petit Prince, ce n’est pas moi, mais il me parle pourtant, à travers toi. D’un monde de voyage et de tristesse. Celui de ma « petite vie mélancolique ». D’un univers de nostalgie. Celui du manque que je ressens lorsque je pense à Maman et au pays de Lumière.