Attentats-suicides. Le cas israélo-palestinien, sous la direction d’Evelyne Guzy, préface de Pierre Mertens, éditions Luc Pire, 2004.
Co-auteurs : Joëlle Melviez, Ouzia Chait, Liliane Charenzowski, Regina Cykiert, Eliane Feld, Pascale Gruber, Evelyne Guzy, Danielle Perez, Alain Reisenfeld, Dominique Salomon et Danielle Wajs.
Résumé
L’opinion publique a été profondément bouleversée par le déclenchement de la seconde intifada. Dans un même élan, guerre des pierres et bombes humaines furent souvent interprétées comme l’expression d’un désespoir profond. Des analystes s’interrogèrent sur les causes politiques des attaques organisées par des groupes armés palestiniens sans se poser de questions sur leurs modes d’action ou leurs conséquences. Les attentats-suicides ont pourtant été reconnus par Amnesty International, Human Rights Watch et Médecins du monde comme des crimes contre l’humanité.
Parce qu’elle représentait un enjeu éthique fondamental, une analyse approfondie du phénomène s’imposait. En approchant la problématique des attentats-suicides à partir du cas israélo-palestinien, les auteurs ont voulu apporter leur contribution à une réflexion plus globale sur la question. Cet ouvrage aborde donc le thème des bombes humaines palestiniennes principalement sous les angles psychosociaux et éthiques. Il a pour objectif d’amener chacun à mieux comprendre la nature profonde d’un phénomène qui interpelle les consciences. Et détruit des vies.
Attentats-suicides en radio et à la télévision
RTL-TVI (Le Journal), Bel-RTL (Le Journal), BFM (Le Journal), RTBF La Première (Le Journal, interview de Pierre Mertens), RTBF La Première (La Pensée et les hommes, interview de Pierre Mertens), Radio Campus, Radio Judaïca.
Interview d’Evelyne Guzy sur BFM
Attentats-suicides dans la presse
Le Vif-l’Express (Jean Sloover), Le Soir Magazine (Philippe Brewaeys), Le Soir (Pierre Mertens), La Revue de droit pénal et de criminologie (Pierre Thys), La Revue internationale de droit militaire et de droit de la guerre (Pierre Thys), Les cahiers de la semaine (Kerenn Elkaïm), Morale laïque (C. Du Pré), Regards (Hannah E), Kadima, L’Arche…
Les conférences autour d’Attentats-suicides
Au CCLJ, à l’Université libre de Bruxelles (à l’invitation de l’UEJB, avec la participation du Librex et du CEL), à l’Ecole de criminologie de l’Université de Liège (à l’invitation de Pierre Thys), au Festival du cinéma méditerranéen, à la Foire du livre de Bruxelles, au Théâtre de Poche de Bruxelles (à l’invitation du Centre régional du libre examen), à l’Hôtel de ville de Paris (à l’invitation du Mouvement pour la paix et contre le terrorisme).
Les cartes blanches publiées
Le Soir : « Les fruits amers de l’intifada » (Evelyne Guzy et Danielle Wajs); « Les victimes ne sont pas des assassins » (Evelyne Guzy)
La Libre : « Quelle vision avons-nous de cette guerre » (Evelyne Guzy et Joëlle Melviez). Titre original : « Au nom de la compassion »
Le texte d’une carte blanche : Au nom de la compassion, Evelyne Guzy et Joëlle Melviez, La Libre, 13/10/2004
Reposant sur les seuls ressorts de la compassion, une vision caricaturale de la réalité israélo-palestinienne mène à une impasse éthique.
Lorsque les Twins towers se sont écroulées, l’Europe a vécu un état de choc. Ensuite, des analystes ont détaillé les torts des Etats-Unis vis-à-vis du tiers-monde. Quand des bombes ont fait voler en éclats des centaines de personnes à Madrid, l’horreur s’est insinuée en nous. Puis, nombre d’intellectuels ont insisté sur la présence inopportune des troupes espagnoles en Irak. Plus récemment, des enfants de Beslan sont morts pour une cause dont ils ignoraient sans doute tout. Nous avons vu leur sang, leurs larmes, et nous avons pleuré. Très vite, les commentateurs ont souligné la cruauté de la politique russe en Tchétchénie. Dans ces trois cas, comme pour le conflit israélo-palestinien, avons-nous suffisamment essayé de comprendre les ressorts profonds de ces actes de barbarie ? Ou, otages de la logique terroriste, nous sommes-nous contentés de rechercher du côté des victimes l’origine – voire la responsabilité – de la terreur ?
Le terrorisme islamiste contemporain est une nouvelle forme de totalitarisme. Sa mécanique repose sur la primauté d’une vision du monde considérée comme indiscutable, sur la supériorité du groupe d’appartenance, au mépris de toute existence humaine, y compris celle du kamikaze. Dans la logique terroriste, seule compte la fin, peu importent les moyens. Les auteurs d’attentats-suicides sont manipulés par de puissantes organisations. Au mépris du respect de la vie prôné par l’islam, de jeunes gens sont envoyés à la mort en échange d’une gloire posthume ou de l’établissement hypothétique d’un vaste état islamique. Ils pensent sanctifier leur combat du sang répandu par leurs victimes sacrifiées, avec le plus de cruauté possible, sur l’autel de leur idéologie mortifère. Et nous voilà médusés, face à nos écrans de télévision, nous demandant, quel « désespoir » peut provoquer un tel déferlement de violence aveugle, qui est « le coupable » de la haine terroriste. Nous nous prenons alors à penser : « Et si c’était sa victime ? »
La souffrance du peuple palestinien est indiscutable et son aspiration à un Etat légitime. Par conséquent, certains esprits en viennent à considérer que l’engagement terroriste est justifié. Si on pousse ce raisonnement à l’extrême, la violence envers des civils serait la seule solution et chaque Palestinien deviendrait alors un kamikaze potentiel. C’est oublier que si certaines mères clament leur fierté face au « martyre » volontaire de leur fils, de leur fille, d’autres dénoncent, à leurs risques et périls, l’action des organisations qui envoient à la mort leurs enfants. Des journalistes, des intellectuels palestiniens font preuve du même courage, osant affirmer que la création de leur futur Etat ne peut reposer sur le culte de la mort, voire sur la haine du Juif et de l’Occident, prônée par les islamistes les plus radicaux. Plutôt que de cautionner une barbarie sanguinaire par notre compassion, l’éthique exigerait de soutenir les valeurs défendues par ces hommes et ces femmes.
En Israël, des adultes, des enfants, des juifs et des musulmans, meurent, indistinctement, pulvérisés par des bombes-humaines. Pour leurs assassins, leur vie n’a de valeur que symbolique : ils représentent l’ennemi honni. Otages de la terreur, leur seul tort fut de prendre l’autobus, de faire leurs courses, de fêter la Pâque juive, d’aller danser, tout simplement, au mauvais endroit, au mauvais moment. Parle-t-on de « martyre » à leur propos ? Jamais. Ils ne font pas partie du bon camp. A force de schématiser l’actualité, de la regarder comme un film de fiction, certains perdent tout discernement. Ils idéalisent globalement les Palestiniens, sans distinguer les terroristes des résistants authentiques, qui respectent le droit de la guerre. Face à ces victimes emblématiques, ils s’efforcent de trouver des bourreaux, absolus eux aussi. Alors, peu importe comment, il faut que le « gentil » gagne sur le « méchant », le « faible » sur le « fort ». Ils occultent les crimes de l’un pour justifier la mort de l’autre. Au cœur de cette vision caricaturale, l’imaginaire prend le pas sur la réalité, la compassion remplace la réflexion. Et fait perdre tout jugement moral.
Le respect d’autrui fait de nous de véritables êtres humains. Lorsque, sous prétexte d’altruisme, l’homme se permet de cautionner les crimes les plus aveugles, on peut, sérieusement, s’interroger sur sa cécité morale. Voir la réalité du Proche-Orient en dehors des clichés, laisser à chaque peuple le droit de vivre en paix et en sécurité, c’est oser affirmer, sans crainte ni complaisance : les attentats-suicides sont des crimes contre l’humanité. Aucune cause, proche ou lointaine, ne peut les justifier.