24/11/14 : Hedwige Jeanmart, Blanès, Gallimard. Roman
Hedwige Jeanmart est née à Namur, et, comme l’héroïne de son roman, elle a longtemps travaillé dans l’humanitaire. Elle vit actuellement à Barcelone, non loin de Blanès, une station balnéaire de la Costa Brava moins branchée que d’autres, mais qui a un attrait majeur : le célèbre écrivain chilien Roberto Balaño, fuyant la dictature de Pinochet, y a vécu et exercé la profession de gardien de camping. Hedwige Jeanmart a fait des études de journalisme et de philologie slavistique. A la manière d’Eva – son double littéraire, semble-t-il, dans le roman –, elle a toujours tenu de petits carnets. Blanès est son premier livre, et il est publié dans une prestigieuse maison française : Gallimard.
Eva vit un amour absolu avec Samuel, son compagnon, un écrivain devenu récemment célèbre. Elle n’aime que les auteurs russes, mais lui se passionne pour Balaño, le romancier chilien, et parle depuis longtemps de visiter Blanès, où celui-ci a séjourné. Elle propose donc à Samuel d’y passer ensemble une journée. Arrivés sur place, ils errent à la recherche d’un restaurant et finissent par tomber sur une terrasse. Tout en trompant la longue attente des plats commandés, Samuel lit à Eva le Discours de Blanès rédigé par Balaño. Les crevettes ne sont pas à la hauteur des délices promis par l’auteur chilien. Samuel est déçu, bien sûr. Dès le retour à Barcelone, il disparaît, sans laisser d’explications.
Comment faire son deuil alors qu’il n’y a pas de trace, pas de corps ? Eva s’ouvre à quelques amis, décrivant Samuel comme mort. Métaphore ou réalité ? Eva mêle sans cesse ces univers. Ses proches l’écoutent à peine, l’encourageant à relativiser, à tourner la page. Qu’est-ce qui prouve finalement que Samuel ne l’a pas tout simplement abandonnée ? Eva cependant n’a qu’une obsession : trouver une explication. Elle la cherchera dans l’univers de Balaño et de ses fans, les balañistes, une sorte de secte littéraire, dont les privilégiés sont gardiens de camping.
Eva passe donc plusieurs mois à Blanès, dans une profonde solitude, à ressasser les événements du jour de la disparition de Samuel. Et nous les ressassons avec elle, tournant en rond dans une logique interprétative tentant de donner sens à des actes, des faits anodins. De Blanès, elle n’apprécie rien, mais le lieu sert d’écho à sa dépression, à ses angoisses. Elle s’y complaît, n’ayant pas la force de le quitter. Pourtant, avec le temps, la réalité reprendra ses droits sur la fiction…
Avec Blanès, Hedwige Jeanmart nous offre un texte introspectif , qui décortique par le menu les lieux et les gens qui entourent son héroïne, donnant une vision de l’intérieur du deuil et de la dépression. La fin, dans un beau changement de rythme, réserve une surprise : le lecteur, piégé par sa propre logique interprétative, s’attend à un tout autre dénouement.
La semaine prochaine, je vous parlerai du nouveau livre de Véronique Bergen, Marilyn, naissance année 0, paru chez Al Dente. Si vous avez envie de la rencontrer avant cela, elle sera, en même temps que Caroline De Mulder, l’auteur de Bye bye Elvis édité par Actes Sud, que je vous ai déjà présenté, aux Midis littéraires pour une rencontre intitulée « Les romans d’Elvis et de Marilyn (splendeur et solitude des légendes) ». (@ PointCulture – 27.11 | 12:30 | 145, rue royale, 1000 Bruxelles – www.passaporta.be.)
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